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Le 15 juin 2016, dans l'affaire Bion c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des)[1], le Tribunal des professions s’est prononcé sur la justesse d’une sanction imposée par le Conseil de discipline de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (ci-après « le Conseil ») en matière de liens intimes, amoureux et sexuels avec une cliente.

L’appelant est infirmier depuis plus de 30 ans lorsque le syndic de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec dépose une plainte lui reprochant d'avoir établi des liens intimes, amoureux et sexuels avec une cliente  qu’il suivait en relation d’aide, sur une période de plusieurs mois, contrevenant ainsi à l'article 38 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers du Québec[2]. L'appelant enregistre un plaidoyer de culpabilité. Lors de l'audition sur la sanction, le Conseil impose une période de radiation temporaire de six mois. Dans son analyse, le Conseil note que l'appelant a entretenu une relation amoureuse avec une cliente vulnérable malgré sa longue expérience en santé mentale.

Devant le Tribunal des professions, l’appelant conteste la justesse de la sanction. Il soutient, notamment, que le Conseil a commis une erreur de principe, en ce qu’il n'aurait pas tenu compte des facteurs atténuants plaidés, tel que l'absence d'antécédents disciplinaires, sa reconnaissance rapide des faits, la perte de son emploi et ses remords sincères.

Pour analyser s'il y a lieu d'intervenir dans la décision du Conseil, le Tribunal des professions rappelle quelques principes importants dans la matière : (1) il faut faire preuve de déférence, car les pairs sont les mieux placées pour déterminer la sanction appropriée; (2) il ne faut intervenir qu'en présence d'une erreur de principe, une omission de prendre en compte un facteur pertinent ou si la peine est si sévère ou si clémente qu'elle soit injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l'infraction et l'ensemble des circonstances.

En l'espèce, le Tribunal des professions considère qu'il n'y a pas d'élément lui permettant d'intervenir dans la décision du Conseil. Dans sa décision, le Conseil a notamment pris en considération des facteurs objectifs, tels que la protection du public, la gravité de l'infraction et l'exemplarité et des facteurs subjectifs, tels que la longue expérience de l'appelant, la perte de l'emploi et le changement d'orientation de carrière.

Le Tribunal des professions reconnait que le Conseil n’a pas tenu compte de l’absence d’antécédents disciplinaires. Cependant, cette omission n'est pas déterminante compte tenu de la gravité de l'infraction reprochée et de l'objectif de protection du public. À ce sujet, le Tribunal rappelle que selon le principe établi par la Cour suprême, l'intervention d'une cour d'appel en cette matière n’est justifiée « que lorsqu'il appert du jugement de première instance qu'une telle erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine. »[3]

Nous constatons que cette décision du Tribunal des professions s’inscrit dans un courant actuel qui tend à sanctionner sévèrement les professionnels du domaine de la santé pour des infractions à caractère sexuel commises à l’endroit des clients ou des patients. Il semble que, même en présence d’un tableau factuel qui comporte plusieurs facteurs atténuants, les conseils de discipline n’hésitent plus à imposer de longues périodes de radiation temporaire.[4]

[1]    2016 QCTP 103.

[2]    RLRQ, c l-8, r 9.

[3]    R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, par. 44.

[4] Voir notamment Médecins (Ordre professionnel des) c. Sicard, dossier no 24-150089 (décision rendue le 2 juin 2016); Médecins (Ordre professionnel des) c. Turmel, 2016 CanLII 2372 (QC CDCM); Médecins (Ordre professionnel des) c. Labine, 2015 CanLII 46814 (QC CDCM); Médecins (Ordre professionnel des) c. Paradis, 2016 CanLII 3688 (QC CDCM); Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Boulianne, 2016 CanLII 30753 (QC CDOII); Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Caron, 2016 CanLII 27418 (QC CDOII).