Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») se penchait sur une décision rendue par le Conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec (ci-après le « Conseil ») dans laquelle celui-ci accueillait une requête pour procès distincts présentée par M. Luc Doyon, intimé en première instance.
La syndique adjointe de l’Ordre des psychologues du Québec avait déposé contre le professionnel une plainte comportant six (6) chefs d’infraction, dont notamment le fait d’avoir eu des relations intimes avec une ancienne cliente et avec une ancienne cliente de sa voisine de bureau, d’avoir utilisé des méthodes de thérapie non reconnues au plan scientifique et d’avoir négligé de tenir des dossiers adéquatement. À la suite de cette plainte, le professionnel déposait une requête pour procès distincts sur chacun des six (6) chefs d’infractions. Pour justifier sa demande, il prétendait notamment qu’il n’y avait aucun lien juridique ou factuel entre les chefs d’infraction, que la complexité de la preuve sur certains chefs ne se retrouvait pas sur les autres et qu’il voulait utiliser des moyens de défense diamétralement opposés sur chacun desdits chefs. La syndique adjointe, quant à elle, plaidait que la saine administration de la justice et la protection du public requéraient que la preuve soit entendue à l’intérieur d’une seule audition. Le Conseil conclut que le professionnel subirait un grave préjudice si la preuve sur tous les chefs d’infraction devait être faite à l’intérieur d’une seule audition puisqu’il lui serait impossible de présenter une défense pleine et entière. Il ordonna donc le dépôt, par la syndique adjointe, de plaintes distinctes, ainsi que la tenue de quatre auditions séparées. Ceci étant dit, le Conseil ordonna tout de même la tenue d’une seule audition en ce qui concerne les chefs à caractère sexuel.
Chacune des parties portait en appel la décision du Conseil, la syndique adjointe prétendant que le Conseil avait erré en ordonnant la tenue de quatre auditions distinctes et le professionnel prétendant qu’il avait erré en refusant d’ordonner la tenue d’auditions distinctes sur les chefs à caractère sexuel.
Donnant raison à la syndique adjointe, le Tribunal conclut que le Conseil avait erré en ordonnant le dépôt des plaintes distinctes et que ce pouvoir relève exclusivement du syndic. En effet, étant un tribunal statutaire, le Conseil de discipline ne possède pas de pouvoirs inhérents et nulle part dans la loi le législateur ne lui confère un tel pouvoir. Le Tribunal conclut également que le Conseil avait erré dans son exercice de pondération des facteurs à considérer pour ordonner des auditions distinctes, notamment quant au préjudice subi par le professionnel et quant à l’intérêt de la justice à ce qu’il n’y ait qu’une seule audition. Le Tribunal ne nie pas que le Conseil possède le pouvoir d’ordonner la tenue d’auditions distinctes, mais dans le cas qui nous intéresse, l’intérêt de la justice militait selon lui en faveur de la tenue d’une seule audition. En terminant, le Tribunal rappelle qu’en l’absence de préjudice pour le professionnel, une ordonnance de séparation des chefs n’est pas indiquée. Il reprend, à cet effet, les propos émis dans l’affaire Smith[2] selon lesquels il est difficile, en droit disciplinaire, d’imaginer des situations où tel pourrait être le cas.
Nous retenons de cette affaire le rappel, par le Tribunal, du caractère exceptionnel de l’ordonnance de séparation des chefs en droit disciplinaire. Il est également intéressant de noter la consécration, par le Tribunal, du principe voulant qu’il appartienne exclusivement au syndic d’un ordre professionnel de décider ou non de déposer une plainte déontologique contre un professionnel.
[1] Doyon c. Psychologues (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 80; Psychologues (Ordre professionnel des) c. Doyon, 2016 QCTP 81.
[2] Smith c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 135, par. 14.