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Dans l'affaire Oiknine[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») se penche sur les décisions rendues par le Conseil de discipline du Collège des médecins (ci-après le « Conseil ») sur culpabilité et sur sanction relativement aux gestes et paroles à caractère sexuel posés par l’appelant à l'endroit d'une employée de l’hôpital où il travaillait.

En première instance, l’appelant a été reconnu coupable sur les deux (2) chefs d'infractions portés contre lui, soit : (1) d’avoir tenu des propos déplacés envers Mme Delisle, une employée de l'hôpital, en l'invitant notamment à s'asseoir sur ses cuisses, se collant sur elle et se frottant sur ses fesses; et (2) d’avoir coincé Mme Delisle dans la cage d'escalier et tenté de l'embrasser. Pour ces gestes, il se vit imposer une radiation temporaire de deux (2) mois sur chacun des chefs, à être purgée de façon concurrente.

Le professionnel se pourvoyait en appel à l'égard des décisions sur culpabilité et sur sanction.  Le syndic adjoint, quant à lui, appelait de la décision sur sanction et demandait que les radiations imposées soient portées à six (6) mois.

En ce qui concerne sa culpabilité sur le premier chef, l’appelant soulevait notamment que le Conseil avait erré en concluant que le témoignage de Mme Delisle était corroboré sur des éléments essentiels par celui d'une autre employée. Il soumettait également l’existence de discordances entre les deux (2) témoignages. Après l'analyse de la décision et des témoignages, le Tribunal conclut que les discordances invoquées ne sont pas substantielles et sont explicables par le fait que l'autre employée n’a été témoin que d’une partie des événements. Il rappelle que par ailleurs, un témoignage n'a pas à être corroboré pour être cru.

Quant au deuxième chef d'infraction, l’appelant soulevait que le Conseil avait erré en appliquant la théorie des faits similaires par rapport à ceux de la première infraction. Le Tribunal convient du fait que le Conseil a erré en appliquant cette règle[2], notamment car les similarités entre les deux (2) événements ne rencontrent pas les exigences de la jurisprudence et que la valeur probante d’une telle preuve par rapport à son effet préjudiciable n'a pas été évaluée. Toutefois, le Tribunal conclut que cette erreur n'est pas dominante puisqu’avant même de traiter de la preuve des faits similaires, le Conseil avait déjà retenu la version des faits de Mme Delisle.

En ce qui concerne l'appel sur sanction, le syndic adjoint soutenait entre autres que le Conseil avait erré en ne reconnaissant pas la gravité intrinsèque de l'infraction reprochée, en ne tenant pas compte de l'ensemble des facteurs aggravants et en accordant une importance indue au fait qu'il n'y avait pas, entre l’appelant et Mme Delisle, de relation patient-médecin. Répondant aux arguments du syndic adjoint, le Tribunal rappelle de prime abord la déférence qui s'impose en cette matière. À son avis, en l’absence d’une erreur de principe déterminante de la part du Conseil, il ne pourra intervenir dans l'imposition de la peine que s'il est démontré que la peine en question est manifestement non indiquée. En l’espèce, le Tribunal juge que le Conseil avait considéré tous les facteurs pertinents et qu’en se faisant, il avait exercé sa discrétion sans commettre d’erreur. De plus, le Tribunal émet l’opinion qu’il était raisonnable, pour le Conseil, de faire une distinction entre cette affaire et une relation patient-médecin, laquelle aurait en effet pu constituer un facteur encore plus aggravant. Enfin, le Tribunal rappelle qu'une cour d'appel ne peut intervenir à l'encontre d'une peine imposée du seul fait qu'elle aurait attribué un poids différent aux facteurs considérés en première instance[3].

En conclusion, nous retenons de cette décision le rappel du principe selon lequel en l’absence d’une erreur de principe déterminante, les tribunaux d’appel n’interviendront dans l’imposition d’une peine que si celle-ci est manifestement non indiquée. Selon le Tribunal, que ce critère soit exprimé de cette façon ou encore de l’une des façons suivantes : « nettement déraisonnable », « manifestement déraisonnable », « nettement ou manifestement excessive », etc., il réfère à chaque fois « au seuil très élevé que les cours d’appel doivent respecter » afin de déterminer s’ils interviennent ou non dans l’imposition d’une peine.

[1]    Oiknine c. Médecins (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 101 et Médecins (Ordre professionnel des) c. Oiknine, 2016 QCTP 102.

[2]    Pour plus d'information sur la preuve par faits similaires voir notamment R. c. Handy, 2002 CSC 56 et Médecins c. Bissonnette, 2006 QCTP 26.

[3]    À ce sujet, le Tribunal des professions cite R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, par 43 et 44.