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Dans l’affaire Granger c. Médecins (Ordre professionnel des)[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») rejette l’appel sur culpabilité et sur sanction des décisions respectivement rendues par le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (ci-après « le Conseil ») le 31 octobre 2013 et le 5 janvier 2015 contre l’appelante, Mme Micheline Granger.

Au moment des faits, Mme Granger était médecin généraliste. De 2009 à 2010, elle suit un patient atteint de la maladie d’Alzheimer. Elle lui prescrit un médicament d’exception portant le nom de rivastigime timbre cutané « Exelon ». En tant que médecin prescriptrice, elle doit faire une demande d’autorisation de paiement à la Régie d’assurance maladie du Québec (ci-après la « RAMQ ») afin que son patient reçoive un remboursement. Le dossier du patient démontre que l’autorisation de paiement lui a été accordée pour la période du 15 septembre 2009 au 24 mars 2010. Toutefois, aucune demande n’a été faite pour la période de mai 2010 à octobre 2010. Lors de son enquête, le syndic adjoint du Collège des médecins du Québec (ci-après le « Collège ») exige que l’appelante lui remette le dossier dudit patient, ce qu’elle refuse ou néglige de faire. Elle refuse également de répondre aux convocations dans le cadre de l’enquête sur la situation.

En première instance, le Conseil reconnaît l’appelante coupable sur deux chefs d’infractions, soit celui d’avoir entravé le syndic adjoint dans l’exercice de ses fonctions et celui d’avoir fait défaut, d’avoir négligé ou d’avoir refusé de transmettre à la RAMQ la demande d’autorisation de paiement dont il est question ici-haut. Le Conseil impose sur le premier chef une période de radiation temporaire de cinq (5) mois et une amende de 5 000 $. Relativement au deuxième chef, le Conseil impose une période de radiation temporaire de trois (3) mois et une amende de 2 500 $, le tout à être purgée concurremment.

Se représentant seule devant le Tribunal, l’appelante ne précise pas, dans son mémoire d’appel, les erreurs que le Conseil aurait commises. En effet, elle reprend plutôt le débat de première instance. Concernant sa culpabilité sur le premier chef, elle plaide ne pas être tenue d’obtempérer aux demandes du syndic adjoint pour le motif que celui-ci voulait la contraindre à prescrire de façon rétroactive un médicament, chose illégale. Concernant la culpabilité sur le deuxième chef, elle plaide que ce n’était pas son devoir de transmettre une telle demande, puisqu’elle n’avait pas prescrit le médicament pour la période visée par la plainte. Enfin, l’appelante prétendait que les sanctions imposées sont excessives, injustes et disproportionnées par rapport aux sanctions normalement imposées dans de telles circonstances.

Rejetant les arguments de l’appelante, le Tribunal conclut que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante dans la décision sur culpabilité. En effet, il a jugé qu’elle n’était pas crédible dans ses explications concernant son refus de rencontrer le syndic adjoint. D’avis que la preuve démontre de façon claire et convaincante que Mme Granger avait prescrit le médicament d’exception pour la période visée par la plainte, le Tribunal ne trouve aucune raison d’intervenir dans la décision du Conseil, lequel avait par ailleurs jugé que l’appelante était de mauvaise foi et qualifié les arguments de cette dernière comme étant loufoques.

Le Tribunal conclut également que le Conseil n’a pas commis d’erreur dans l’imposition de la sanction. En effet, affirme ce dernier, non seulement l’appelante n’a pas identifié en quoi les sanctions imposées par le Conseil sont si sévères et déraisonnables, mais elle a également omis de présenter une quelconque preuve jurisprudentielle à cet effet. Le Tribunal rappelle que le Conseil a donné plusieurs motifs pour expliquer la sanction qu’il impose et en nomme certains, à savoir notamment que l’appelante n’avait pas saisi les nombreuses occasions qu’elle a eues pour se conformer à ses obligations déontologiques et qu’elle a fait l’objet de nombreux avertissements concernant des comportements semblables par le passé. De plus, le tribunal adhère aux motifs exprimés par le Conseil à l’effet que l’entrave est une faute grave qui affecte tout le système disciplinaire et juge que dans les circonstances, l’exemplarité et la dissuasion sont nécessaires pour la protection du public.

En conclusion, nous croyons que la présente décision constitue une illustration adéquate d’un courant jurisprudentiel de plus en plus présent en matière disciplinaire au niveau des sanctions imposées aux professionnels trouvés coupables d’entrave au travail du syndic[2]. Nous en retenons un rappel important concernant la gravité objective d’une infraction qui, de l’avis même du Tribunal, « affecte tout le système disciplinaire ».

[1] Granger c. Médecins (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 126.

[2] Voir notamment à cet effet les décisions suivantes : Notaires (Ordre professionnel des) c. Hamelin, 2014 CanLII 61836 (QC C.D.N.Q.), Psychologues (Ordre professionnel des) c. Lambert, 2016 CanLII 32253 (QC O.P.Q.) et Médecins (Ordre professionnel des) c. Charneau, 2016 CanLII 84196 (QC C.D.C.M.).