Dans la décision Dallaire c. Agronomes (Ordre professionnel des)[1] rendue le 7 octobre 2016, le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») accueille partiellement l’appel du professionnel, M. Robert Dallaire.
Le 27 février 2004, le professionnel dépose un avis de projet auprès du ministère du Développement durable de l’Environnement et des Parcs (ci-après le « MENV »). Cet avis de projet est daté du 4 septembre 2002 et porte l’estampille du MENV en date du 6 septembre 2002. Le MENV n’est toutefois pas en possession de l’original d’un tel avis de projet et la personne qui était responsable de l’accueil le 6 septembre 2002 affirme que cet avis n’a pas été déposé à cette date. Le 11 avril 2005, le MENV dénonce la situation au syndic. L’expert mandaté conclut que l’avis de projet déposé le 27 février 2004, portant la date du 6 septembre 2002, est le résultat d’un montage par photocopie. Le syndic dépose donc une plainte comprenant seize (16) chefs d’infraction. Les chefs pertinents à l’appel reprochent au professionnel d’avoir confectionné un faux avis de projet (chef 1), d’avoir commis une fraude en le déposant au MENV (chef 2), d’avoir entravé l’enquête du syndic en le trompant à deux (2) reprises avec de fausses déclarations (chefs 3 et 4) et d’avoir fait défaut de respecter les règles de l’art (chefs 5 à 7, 9, 10, 15 et 16).
Le Conseil de discipline (ci-après le « Conseil ») reconnait le professionnel coupable et lui impose des périodes de radiation concurrentes de quatorze (14) mois sur le chef 1, douze (12) mois sur le chef 2 et un (1) mois sur les chefs 3 et 4. Il est également condamné à une amende de 1 500$ sur chacun des chefs 5, 6, 7, 9, 10, 15 et 16, totalisant 10 500$, en plus des déboursés et des frais de publication et d’expertise pour un total d’environ 25 000$ échelonné sur cinq (5) ans. Le professionnel conteste la décision sur culpabilité le déclarant coupable des infractions contenues aux chefs 1 à 4, 15 et 16 de la plainte en plus de s’en prendre à la justesse de la sanction imposée à l’égard des chefs 1 à 7, 9, 10, 15 et 16.
Le Tribunal accueille en partie l’appel sur culpabilité. Considérant que le Conseil a commis une erreur manifeste et dominante en omettant d’examiner la preuve des éléments essentiels des infractions contenues aux chefs 15 et 16, le Tribunal annule la déclaration de culpabilité afférente à ces chefs. De plus, le Tribunal souligne que le Conseil aurait dû prononcer la suspension conditionnelle concernant l’infraction prévue à l’article 12 du Code de déontologie des agronomes[2] (chefs 1 et 2) et à l’article 59.2 du Code des professions (chef 1), ce qui constitue une erreur de droit justifiant son intervention à la seule fin de corriger ces erreurs. Cependant, le Tribunal rejette l’argument du professionnel à l’effet que le Conseil aurait commis une erreur dans l’appréciation de la preuve quant aux chefs 1 à 4 en ne tenant pas compte d’une démonstration que le professionnel a réalisée et qui mettrait en doute la crédibilité de l’expert. Le Tribunal donne raison au Conseil qui avait conclu à la nécessité d’une preuve d’expert puisque des connaissances techniques particulières sont nécessaires pour l’analyse de la falsification d’un document. L’appelant prétend également que l’infraction de falsification ne pouvait pas être commise à la date spécifiée dans la plaine. À ce sujet, le Tribunal rappelle que la date de l’infraction n’est pas un élément essentiel de la plainte. Par ailleurs, le libellé de la plainte disciplinaire n’a pas à respecter le même formalisme qu’en droit criminel.
En ce qui concerne la décision sur sanction, le professionnel prétend que le Conseil a omis de distinguer la gravité objective des différentes infractions et que les sanctions imposées sont déraisonnables et disproportionnées en regard de l’ensemble des circonstances du dossier. Le Tribunal rappelle, de prime abord, qu’en ce qui concerne la justesse d’une sanction, il y a lieu de faire preuve de grande déférence à l’égard de la décision rendue par un Conseil formé de pairs. En l’espèce, le Conseil a considéré les facteurs atténuants avant d’imposer la sanction. Il a également examiné, tel qu’il se doit, la sanction globale afin de s’assurer qu’elle ne constituait pas un fardeau accablant pour le professionnel. Le caractère disproportionné ou déraisonnable de la sanction globale s’apprécie en tenant compte des modalités fixées par le Conseil. En l’espèce, le Tribunal est d’avis que la sanction n’est pas disproportionnée et ne réduit pas les amendes. Cependant, vu l’acquittement sur les chefs 15 et 16, le Tribunal annule la sanction relative à ces deux (2) chefs et intervient également afin de condamner le professionnel à 80% des déboursés en première instance.
En conclusion, nous retenons de cette décision que la preuve par expert sera nécessaire pour faire la preuve des éléments qui impliquent une connaissance technique particulière. De plus, il est intéressant de noter que le libellé de la plainte disciplinaire n’a pas le même formalisme qu'en droit criminel et que la date indiquée dans un chef d’infraction ne constitue pas un élément essentiel de la plainte. Enfin, le Tribunal rappelle que le caractère déraisonnable d’une sanction s’apprécie dans son ensemble, mais aussi à la lumière des modalités fixées par le Conseil.
[1] Dallaire c. Agronomes (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 137.
[2] R.L.R.Q., c. A-12, r. 6.