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Dans l’affaire Adessky[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») était saisi de l’appel d’une décision interlocutoire du Conseil de discipline du Barreau du Québec (ci-après le « Conseil ») rejetant la demande préliminaire de l’appelant, Me Kenneth Adessky, en arrêt des procédures au motif de nullité de la plainte portée contre lui.

Les faits de cette affaire se résument comme suit. Le 17 novembre 2008, une première demande d’enquête est déposée contre l’appelant. Le dossier fut alors pris en charge par Me Montbriand, syndic adjoint, lequel décida de ne pas déposer de plainte devant le Conseil. Portant cette décision devant le Comité de révision du Barreau du Québec (ci-après le « Barreau »), le demandeur d’enquête obtient une décision obligeant le syndic à reconsidérer sa décision de ne pas déposer de plainte disciplinaire. En août 2009, Me Leduc fut nommé syndic ad hoc par le Comité exécutif du Barreau. Cette nomination faisait directement suite à une demande à cet effet formulée par la syndique du Barreau, laquelle alléguait un surplus de travail à ses bureaux. Après s’être vu confier le dossier de l’appelant, Me Leduc déposait une plainte contre ce dernier le 28 septembre 2010.

Condamné sur trois (3) des sept (7) chefs de la plainte déposée contre lui en première instance, l’appelant portait en appel les décisions rendues contre lui sur culpabilité et sanction, cette dernière datant du 6 août 2014. Le 21 mars 2016, les parties acquiescèrent à ce que le dossier d’appel soit complété par la production, de la part de chacune d’elles, de nouveaux éléments de preuve. En argumentation, l’appelant reprenait des arguments déjà plaidés et rejetés en première instance à l’effet que la nomination de Me Leduc à titre de syndic ad hoc était illégale. Toutefois, il supportait cette fois son argumentaire par une preuve nouvellement déposée devant le Tribunal, laquelle permettait de constater que Me Leduc avait en effet été nommé pour s’occuper de certains dossiers prédéterminés, parmi lesquels le sien ne figurait pas.

Acceptant les arguments de l’appelant, le Tribunal jugea que l’intention de la syndique du Barreau et du Comité exécutif du même Ordre professionnel était à l’effet que Me Leduc soit nommé à titre de syndic ad hoc pour une liste de dossiers en particulier. Par voie de conséquence, comme Me Leduc n’avait pas été nommé pour traiter le dossier de l’appelant, il ne pouvait légalement entreprendre d’enquête à son égard ni déposer de plainte disciplinaire. Le Conseil de discipline n’était donc pas saisi d’une plainte au sens de l’article 116 du Code des professions et était sans compétence pour en juger.

En terminant, le Tribunal précisa également que vu les circonstances, il n’avait pas lieu de se demander si la preuve recueillie pouvait quand même être admissible. En effet, discernant les faits de la présente affaire de ceux dans l’affaire Sylvestre[2], le Tribunal distingue la situation où un syndic fait l’objet d’une nomination valide, mais devient ensuite inhabile, de celle où le syndic manque, à la base, le statut nécessaire pour déposer une plainte disciplinaire. En l’occurrence, le syndic ad hoc n’avait tout simplement pas compétence pour déposer une plainte contre l’appelant. Selon le Tribunal, cette forme de nomination illégale ne peut, par ailleurs, être ratifiée par le moyen d’une résolution ultérieure. En effet, il en va de l’ordre public que personne ne puisse ratifier des actes commis illégalement, d’autant plus que rien, dans le Code des professions ou dans la Loi sur le barreau[3], ne le prévoit.

En conclusion, nous retenons de cette affaire un rappel concernant la rigidité du principe voulant que les syndics ad hoc ne puissent traiter que des dossiers pour lesquels ils ont été nommés par le Conseil d’administration de leur ordre professionnel. En effet, un accroc à ce principe mène directement à l’invalidité de toute plainte déposée par ceux-ci dans le cadre de dossiers pour lesquels ils n’auraient pas été nommés ainsi qu’à l’incapacité, pour le Conseil, d’entendre ces plaintes.

[1]     Adessky c. Avocats (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 139.

[2]     Sylvestre c. Barreau du Québec, [2004] 2 RCS 17.

[3]    R.L.R.Q., c. B-1.