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Le 8 novembre 2016, le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») rejetait l'appel porté par le professionnel eut égard aux décisions sur culpabilité et sanction rendues par le Conseil de discipline de l'Ordre des ingénieurs du Québec (ci-après le « Conseil »)[1] les 31 juillet et 22 décembre 2014.

Les faits en espèce se résument comme suit. Le professionnel obtient en mars 2007 le mandat de l'élaboration des plans d'électricité pour un projet immobilier. Les plans seront finalement élaborés par M. Houle, un technologue en électricité du bâtiment, et signés deux (2) jours après leur réception par M. De Broux. En première instance, le Conseil déclare le professionnel coupable sur trois (3) chefs d’infraction, soit d'avoir signé et scellé des plans sans se baser sur des connaissances suffisantes (chef 1), de les avoir signés alors qu’ils n'avaient pas été préparés sous sa direction et surveillance immédiate (chef 2) et d'avoir participé ou contribué à l'exercice illégal de la profession (chef 3). À titre de sanction, des amendes pour une somme totalisant 4 000$ dollars ont été imposées.

Devant le Tribunal, l'appelant prétend que le Conseil a commis des erreurs manifestes et dominantes en le déclarant coupable sur chacune des infractions. Ainsi, il soutient notamment que la sécurité du public n'a pas été compromise et que M. Houle a préparé les plans sous sa direction. À titre subsidiaire, le professionnel soulève l'interdiction des déclarations de culpabilité multiples. Enfin, il soutient que les sanctions imposées sont déraisonnables.

Le Tribunal ne retient pas les arguments de l'appelant. Considérant que le Conseil n'a commis aucune erreur en déclarant le professionnel coupable sur chacun des chefs d'infraction, le Tribunal affirme que la signature des plans constitue l'expression d'un avis qui doit être basé sur des connaissances suffisantes. Or, l'interrogatoire du professionnel révèle qu'il a une piètre connaissance des plans. Également, le Tribunal retient que les plans n'ont pas été préparés sous sa direction et surveillance immédiate. Ainsi, comme la surveillance n’était pas immédiate, le professionnel s’est rendu coupable d'avoir favorisé et contribué à l'exercice illégal de la profession. Enfin, le fait que le public n'ait pas été mis en danger par le geste du professionnel ne l'exempte pas de la responsabilité déontologique. Le Tribunal ne décèle pas non plus d'erreur dans les sanctions imposées par le Conseil.

D’abondant, le Tribunal rejette l'argument de l'appelant selon lequel les trois (3) déclarations de culpabilité constituent des déclarations de culpabilité multiples. Le Tribunal cite à cet effet les propos de la Cour d'appel dans l'affaire Auger c. Monty[2] où il est dit que « la multiplicité des condamnations qui est prohibée est celle qui vient sanctionner, plus d'une fois, les faits ou les différentes facettes d'une même offense ». Cette règle a été complétée par le Tribunal notamment dans Lyons c. Dentistes (Ordre professionnel des)[3] où il est dit que « la présence d'éléments supplémentaires distinctifs entre l'infraction du premier chef et celles du second chef démontre l'intention du législateur d'exiger plus d'une déclaration de culpabilité lorsque de telles infractions coexistent ». En l'espèce, même si les chefs découlent de la même trame factuelle, il existe des différences entre les infractions. La connaissance qu'a le professionnel des plans et la suffisance de la surveillance sont des dimensions distinctes d’un même contexte de travail, tout comme le fait d'apposer un sceau sur des plans et le fait de faire exécuter du travail relevant de l'exercice de la profession par un non-ingénieur.

En conclusion, nous retenons de cette affaire la confirmation du principe voulant que le professionnel engage sa responsabilité déontologique même si son geste n'a pas mis en danger le public. La présente affaire est également selon nous un bon exemple d’application de la règle interdisant les condamnations multiples, à savoir notamment qu’il n’est pas suffisant de prouver que les chefs d’infraction découlent de la même trame factuelle. En effet, pour invoquer cette règle avec succès, encore faut-il prouver l’absence d’éléments distinctifs entre les chefs et/ou le fait que chacun desdits chefs a pour objectif de sanctionner la même offense.

[1] De Broux c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 149.

[2] 2006 QCCA 596, par. 64.

[3] 2006 QCTP 29, par. 92.