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Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») est saisi d’une requête présentée par l’appelant et visant à annuler un jugement par défaut rendu contre lui par un autre banc du Tribunal le 7 novembre 2016. L’appelant plaide, au soutien de sa requête, qu’il était incarcéré lorsque ce jugement fut rendu. Pour l’intimée, c’est en raison de la négligence grossière de l’appelant qu’un jugement par défaut fut rendu contre lui.

Les faits sont les suivants. Le 14 avril 2015, le Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec (ci-après le « Conseil ») déclare l’appelant coupable de 13 chefs d’infractions. Le 1er décembre 2015, le Conseil rejette la requête en arrêt des procédures de l’appelant et lui impose une radiation permanente et une révocation de son permis d’exercice en regard de 8 des chefs sur lesquels sa culpabilité fut reconnue. Le 4 janvier 2016, l’appelant interjette appel de ces décisions. Le 1er février 2016, il présente une requête pour prolongation du délai pour produire son mémoire et présentation d’une preuve additionnelle. La présentation de cette requête est reportée du 4 avril 2016 au 7 novembre 2016, et ce, notamment en raison de son incarcération imminente.

Le 7 novembre 2016, l’appelant est toujours incarcéré. Il n’est pas présent à l’audience et n’a pas mandaté de représentant. Le Tribunal rend alors un jugement contre lui, rejette le volet de sa requête qui a trait à la présentation d’une preuve additionnelle, mais accorde un délai additionnel de 60 jours pour produire son mémoire. L’appelant témoigne à l’effet qu’il prend connaissance de ce jugement le 21 janvier 2017, date à laquelle il reçoit, dans sa boite aux lettres, une requête de l’intimée en rejet d’appel fondée sur son défaut de produire son mémoire dans le délai prescrit le 7 novembre 2016. Il déposera, le 27 janvier 2017, la requête faisant l’objet du présent débat.

L’appelant témoigne par le moyen d’une déclaration assermentée. Il affirme que l’avocate de l’intimée a été mise au courant de son incarcération, qu’il n’a pas eu accès à ses dossiers pendant cette période et qu’il ne savait pas ou plus que sa requête était toujours présentable le 7 novembre 2016. Il témoigne de plus à l’effet qu’il habite une maison de transition et que bien qu’il puisse se rendre à sa résidence de façon sporadique, il n’a pas été informé du jugement avant le 21 janvier 2017. Pour l’intimée, l’appelant savait que sa requête était présentable le 7 novembre 2016. De plus, mais sans présenter de preuve à cet effet, l’intimée plaide que l’appelant a dû, comme elle, recevoir signification de ce jugement bien avant le mois de janvier.

Le Tribunal expose en premier lieu que la requête soumise est de la nature d’un pourvoi en rétractation de jugement prévu aux articles 345 et suivants du Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01. Ces dispositions confèrent au juge un pouvoir discrétionnaire pour déterminer si une cause invoquée justifie une révocation de jugement. Par ailleurs, mentionne le Tribunal, il est bien établi que la négligence d’une partie ne peut constituer un tel motif. Cependant, l’incarcération d’un professionnel est une situation exceptionnelle. Pour le Tribunal, il faut faire preuve de circonspection avant de conclure que l’appelant a fait preuve de négligence, ce dernier ayant été absent à une audition fixée quelques jours avant son incarcération, et ce, plus de six mois plus tôt. De plus, rappelle le Tribunal, la seule preuve dont il dispose en regard de la possibilité pour l’appelant d’avoir eu accès à ses dossiers et de sa connaissance du jugement est la déclaration assermentée de celui-ci. Ainsi, et à défaut d’avoir une preuve contraire à cette déclaration, le Tribunal annule le jugement rendu par défaut le 7 novembre 2016.

Nous retenons de cette affaire que les tribunaux adoptent une attitude de prudence lorsque des circonstances de la nature d’une incarcération sont invoquées pour demander la révocation d’un jugement rendu par défaut. En effet, les présentes circonstances, mélangées au fait que la preuve présentée quant à la date de la connaissance dudit jugement était non contestée, ont manifestement suffi pour que le Tribunal passe outre le fait que la preuve non contredite était également à l’effet que la date du 7 novembre 2016 fut initialement fixée de consentement.  

[1]    St-Pierre c. Notaires (Ordre professionnel des), 2017 QCTP 19.   .