Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») rejette la requête de Mme Angélique Bouchard (ci-après la « professionnelle ») en sursis d’une ordonnance de radiation provisoire rendue par le Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (ci-après le « Conseil »).
Les faits sont les suivants. Le 6 janvier 2017, le syndic adjoint informe la professionnelle qu’il a reçu une demande d’enquête à son sujet. Plusieurs échanges interviennent entre les parties dans lesquelles le syndic adjoint demande à la professionnelle de lui fournir des informations et la convoque à des rencontres. Le temps passe et le syndic adjoint n’obtient rien de la part de la professionnelle. Le 20 février 2016, il lui envoie une dernière correspondance en lui précisant qu’à défaut de se présenter à une rencontre, elle s’expose à une demande de radiation provisoire pour cause d’entrave. Malgré cette mise en garde, elle ne se présentera jamais au Bureau du syndic adjoint. Le 7 mars 2017, le syndic adjoint dépose une plainte comportant 16 chefs d’infraction. Cinq (5) de ces chefs reprochent à la professionnelle d’avoir nui à l’enquête du syndic adjoint. À cette plainte est jointe une requête en radiation provisoire qui est accueillie par le Conseil le 17 mai 2017. La professionnelle demande le sursis d’exécution de cette radiation provisoire.
Avant même d’aborder les critères applicables, le syndic adjoint soulève deux lacunes qui, selon lui, sont fatales et devrait entraîner le rejet de la requête en sursis[2]. Premièrement, au moment de la présentation de la requête en sursis devant le Tribunal, la professionnelle n’avait pas interjeté appel de la décision du Conseil ordonnant la radiation provisoire. Deuxièmement, la requête en sursis n’est pas accompagnée d’un affidavit. Malgré la reconnaissance de ces lacunes, le Tribunal considère qu’il y a lieu de traiter du fond de la requête.
Le Tribunal rappelle que les critères devant être pris en considération dans le cadre d’une requête en sursis sont les suivants : (1) L’économie de la loi; (2) La faiblesse apparente de la décision; (3) L’existence de circonstances exceptionnelles; (4) Un préjudice sérieux et irréparable et la balance des inconvénients.
Concernant le premier critère, il est manifeste qu’il ne milite pas en faveur de la professionnelle. En effet, le Tribunal rappelle que le rôle du syndic est essentiel pour atteindre l’objectif premier du droit disciplinaire : la protection du public. C’est pour cette raison que le législateur a déterminé que l’entrave à l’enquête d’un syndic peut donner ouverture à une radiation provisoire.
Concernant le deuxième critère, le Tribunal rappelle qu’une faiblesse qui est apparente doit sauter aux yeux du juge à la simple lecture de la décision[3]. Selon lui, la décision du Conseil est plutôt étoffée et même détaillée sur les faits révélés par la preuve. De plus, le Conseil met en application les critères élaborés par la jurisprudence au sujet de la radiation provisoire. À ce stade, le Tribunal conclut qu’il doit se limiter à cette conclusion afin de ne pas usurper le rôle d’une formation de trois juges qui entendra l’appel au fond. Rappelons cependant qu’un tel recours n’avait pas été interjeté par la professionnelle.
Concernant le troisième critère, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas de circonstances exceptionnelles. En effet, la professionnelle est l’artisane de son propre tourment. De plus, sa situation ne diffère en rien de celle de tout autre justiciable confronté à une telle radiation.
Concernant le quatrième et dernier critère, nul doute que la professionnelle subit un préjudice et des inconvénients en raison de sa radiation provisoire, notamment l’impossibilité d’exercer sa profession et de gagner des revenus. Cependant, l’intérêt public doit prévaloir sur l’intérêt privé du professionnel en matière disciplinaire.
Le Tribunal conclut que par-delà les déficiences procédurales déjà mentionnées, la professionnelle ne satisfait aucun des critères applicables à une demande de sursis.
[1] Bouchard c. Comptables professionnels agréés (Ordre des), 2017 QCTP 47.
[2] Béliveau c. Michaud, 1990 CanLII 7873 et Achong c. Québec (Tribunal des professions), EYB 1996-84756 (C.S.).
[3] Uashaunnuat (Innus de Uashat et de Mani-Utenam c. Québec (Procureur général), 2013 QCCA 1321.