Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après « Tribunal ») était saisi de l’appel de deux (2) dossiers ayant été entendus simultanément par le Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (ci-après le « Conseil ») et concernant les professionnels Philip C. Levi (ci-après « Lévi ») et Jonathan Sinclair (ci-après « Sinclair »). Les décisions sur culpabilité et sanction ont respectivement été rendues les 2 janvier 2014 et 11 mai 2015.
Les faits sont les suivants. En 2006, Lévi et Sinclair s’associent pour former un cabinet. Bien que le nom du cabinet inclut celui de Sinclair, ce dernier n’a aucun contrat de société et n’a investi aucun capital dans le cabinet. Pour le Conseil, Lévi est donc celui qui contrôle le cabinet. En première instance, Lévi fut déclaré coupable d’avoir participé à des missions de certification en agissant à titre de deuxième associé réviseur et en ayant fait la révision du contrôle de la qualité en regard de la vérification des états financiers d’une société, et ce, alors que ses frères étaient président, vice-président, secrétaire-trésorier et directeurs de cette même société.
En ce qui concerne Sinclair, il fut déclaré coupable d’avoir exécuté les mêmes missions de certification, et ce, alors que son associé Lévi était dans la situation ci-haut décrite. De plus, chacun des professionnels fut déclaré coupable d’avoir omis de prendre les moyens raisonnables pour que son associé respectif respecte ses obligations déontologiques. Ces infractions ayant été reproduites sous la forme de six (6) chefs couvrant trois (3) exercices financiers (2007, 2008 et 2009), chaque professionnel se vit imposer une amende de 3 000$ par chef, pour un total de 18 000$ par professionnel.
En appel, les professionnels fondaient notamment leur argumentaire sur des divergences de vue de la preuve administrée devant le Conseil. Or, comme ils n’avaient déposé devant le Tribunal aucun extrait des notes sténographiques de l’audition ni aucun extrait de la preuve documentaire administrée devant le Conseil, le Tribunal conclut que les « conclusions factuelles du Conseil ne [pouvaient] être remises en question »[2]. Cela dit, le Tribunal remarqua quand même qu’aucune des nuances proposées par les professionnels en appel ne remettait en question le fait que « Lévi avait révisé les dossiers et les états financiers de la compagnie, qu’il était responsable de la révision des contrôles de la qualité de toutes les missions de certification, qu’il était le deuxième associé réviseur et qu’il contrôlait le cabinet »[3]. Pour ces raisons, le Tribunal refusa d’intervenir au stade de la culpabilité.
Ensuite, les professionnels plaidaient notamment que la sanction imposée était excessive et « résulte d’une erreur du Conseil d’avoir considéré leur absence de remords et le fait qu’ils maintiennent leur position suivant laquelle ils ont agi correctement »[4]. Pour eux, une réprimande aurait suffi. Le Tribunal rappelle d’abord les facteurs atténuants et aggravants retenus par le Conseil aux fins de l’imposition de la sanction, lesquels incluent notamment l’absence de démonstration de remords par les professionnels. Pour le Tribunal, bien que l’absence de remords est un facteur neutre et non aggravant[5], il ne s’agit pas là d’une erreur justifiant son intervention. Pour le reste, le Tribunal rappelle que la demande que lui font les professionnels est d’apprécier et pondérer différemment les facteurs sur sanction retenus par le Conseil. À cet effet, le Tribunal cite l’affaire Drolet-Savoie[6] et qualifie lui-même son rôle dans de telles circonstances de « très limité »[7]. Pour ces raisons, le Tribunal refusa également d’intervenir sur la sanction.
Nous retenons de cette décision une application stricte, par le Tribunal, des principes émis par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Drolet-Savoie. Rappelons que dans cette affaire, la Cour d’appel avait qualifié de « particulièrement circonscrite » l’intervention d’un tribunal d’appel lorsque vient le temps d’apprécier la pondération des facteurs sur sanction retenus en première instance. À notre avis, le dispositif du présent jugement de même que la qualification que fait le Tribunal de son propre pouvoir d’intervention constituent une démonstration de la rigidité du cadre imposé par le plus haut tribunal de la province.
[1] Sinclair c. Comptables professionnels agréés (Ordre des), 2017 QCTP 79.
[2] Id., para. 24.
[3] Id., para. 30.
[4] Id., para. 31.
[5] R. c. Gresley, 2003 CanLII 16445 (QC CS).
[6] Drolet-Savoie c. Tribunal des professions, 2017 QCCA 842, para. 63.
[7] Préc., note 1, para 34.