Dans la présente affaire[1], le Tribunal était saisi d’un appel porté par Me Gilles St-Pierre, se représentant seul, à l’encontre de décisions sur culpabilité et sanction ayant respectivement été rendues les 7 octobre 2014 et 31 mars 2015 par le Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec (ci-après « Conseil »).
Les faits sont les suivants. En septembre 2007, A.P. remet à Me St-Pierre un chèque de 50 000$ qu’il lui demande de conserver temporairement dans son compte en fidéicommis. La somme, qui devait servir de dépôt pour le financement d’une société, ne sera jamais retournée à A.P., mais plutôt déposée dans le compte bancaire personnel de Me St-Pierre. Ensuite, en 2008, S.C. confie à Me St-Pierre une somme de 21 500$ dont elle vient d’hériter et lui demande de la conserver dans son compte en fidéicommis jusqu’à ce qu’elle lui donne plus d’instructions. Sans instructions additionnelles, Me St-Pierre retire ces sommes de son compte en fidéicommis et fait quatre (4) chèques à des sociétés dont il est le seul administrateur et actionnaire. Enfin, la preuve démontre que le fonds d’indemnisation de la Chambre des notaires a indemnisé A.P. et S.C. pour la somme de 71 500$, et ce, vu l’absence de remboursement par Me St-Pierre.
Devant le Conseil, Me St-Pierre est reconnu coupable de deux (2) chefs d’infraction lui reprochant d’avoir détourné ou utilisé à des fins autres des sommes d’argent qu’il détenait en fidéicommis. Sur sanction, Me St-Pierre se voit imposer une période de radiation permanente sur chaque chef. Enfin, le Conseil impose à Me St-Pierre une ordonnance en vertu de l’article 156 d) du Code des professions à l’effet de rembourser 71 500$ à la Chambre des notaires.
Devant le Tribunal, Me St-Pierre soumet notamment que la sanction prononcée est déraisonnable et que le Conseil a commis un excès de compétence en lui ordonnant de rembourser la Chambre des notaires.
En ce qui concerne le premier argument ci-haut reproduit, le Tribunal constate que le Conseil a tenu compte des antécédents disciplinaires de Me St-Pierre. En effet, le Tribunal constate, comme le Conseil, que ce dernier s’est vu imposer une révocation de permis en 1986 alors qu’il était membre du Barreau du Québec. Ensuite, en 2014, le conseil de discipline de la Chambre des notaires a déclaré Me St-Pierre coupable d’avoir posé un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession pour avoir été reconnu coupable d’infractions criminelles relatives à de la fraude, du vol et du gangstérisme. Le Tribunal reconnait ensuite que le Conseil pouvait, dans sa discrétion, considérer l’infraction d’appropriation de fonds comme étant l’une des plus graves qui affecte la réputation de la profession. Ainsi, le Tribunal ne constate aucune erreur manifeste et dominante et refuse, pour cette raison, d’intervenir.
En ce qui concerne le deuxième argument ci-haut reproduit, le Tribunal reprend premièrement le libellé de l’article 156 d) du Code des professions, lequel introduit « l’obligation de remettre à toute personne à qui elle revient une somme d’argent que le professionnel détient ou devait détenir » à titre de sanction pouvant être imposée par le Conseil. Ensuite, le Tribunal constate que la preuve démontre qu’A.P. et S.C. ont été indemnisés par le Fonds d’indemnisation de la Chambre des notaires vu l’absence de remboursement par Me St-Pierre. Enfin, le Tribunal juge que de telles circonstances ouvrent effectivement la porte à une ordonnance rendue en vertu de l’article 156 d) du Code des professions. Selon le Tribunal, donc, le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante en ordonnant à Me St-Pierre de rembourser 71 500$ au fonds d’indemnisation. Il n’y a donc pas lieu, pour le Tribunal, d’intervenir.
Nous retenons de cette décision que selon le Tribunal, un conseil de discipline peut rendre une ordonnance en vertu de l’article 156 d) du Code des professions au bénéfice du fonds d’indemnisation ayant indemnisé une ou plusieurs victimes d’appropriation de fonds.
[1] St-Pierre c. Notaires (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 84 (CanLII).