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Dans les présentes affaires[1], le Tribunal était saisi d’une requête en sursis d’exécution d’une décision du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (ci-après « Conseil ») imposant au professionnel, Dr Juan Carlos Cordoba, une période de radiation temporaire de trois (3) ans pour avoir fait preuve d’inconduite sexuelle à l’égard d’une patiente.

Les faits sont simples. Le 14 mars 2017, le professionnel fait l’objet d’une plainte disciplinaire déposée par le syndic adjoint, Dr Michel Joyal. Plus spécifiquement, la plainte reproche au professionnel d’avoir fait « preuve d’inconduite sexuelle envers une patiente, particulièrement en ayant des relations sexuelles avec celle-ci de la période du mois d’octobre 2015 au mois de mars 2016 ». Le 23 novembre 2017, le professionnel plaide coupable à l’infraction. Le 29 mars 2018, il se voit imposer une période de radiation de trois (3) ans. La décision du Conseil fera ensuite l’objet d’appels sur sanction tant de la part du professionnel que du syndic adjoint. Cela dit, et vu la nature de l’infraction, la sanction demeure exécutoire nonobstant appel « sauf si le tribunal en décide autrement »[2]. Pour cette raison, le professionnel dépose une requête en sursis d’exécution dans les deux (2) dossiers d’appel.

D’emblée, le Tribunal rappelle que les critères du sursis sont clairement établis[3], s’agissant des suivants :

  •      Économie de la loi;
  •      Faiblesse apparente de la décision attaquée;
  •      Existence de circonstances exceptionnelles;
  •      Préjudice irréparable et balance des inconvénients.

En premier lieu, le Tribunal confirme que le critère de l’économie de la loi est défavorable au professionnel puisque « la protection du public doit prévaloir »[4].

Ensuite, le Tribunal constate que le professionnel identifie deux (2) faiblesses apparentes aux yeux de ce dernier. La première étant que le Conseil ait décidé d’appliquer le régime de sanctions entré en vigueur le 8 juin 2017, et ce, malgré que les faits reprochés à la plainte soient antérieurs à cette date. La deuxième étant que le Conseil se serait écarté de l’échelle des précédents en semblable matière. Sur le premier reproche, le Tribunal réfère aux affaires Oliveira[5] et Bernier[6] et conclut, notamment sur la base de celles-ci, qu’il est difficile de plaider que le raisonnement du Conseil de les avoir suivies constitue une faiblesse apparente. Sur le deuxième reproche, le Tribunal juge que dans la mesure où le Conseil applique le nouveau régime de sanctions, il n’est pas illogique de se distancier des précédents établis sous l’ancien régime. Pour ces raisons, le Tribunal juge que le professionnel a échoué à démontrer une faiblesse apparente dans la décision du Conseil.

En ce qui concerne l’existence de circonstances exceptionnelles, le professionnel plaidait que son appel soulève des questions sérieuses et nouvelles. Cela dit, cet argument ne suffit pas à convaincre le Tribunal qui décide que ces prétentions restent à être démontrées et que c’est ce à quoi servira l’audience au fond.

Finalement, le professionnel plaidait qu’il subirait un préjudice irréparable advenant que le sursis soit refusé, et ce, pour deux (2) motifs. Premièrement, allègue le professionnel, il sera privé de revenus pendant la durée de la radiation. À ce sujet, le Tribunal considère que le professionnel n’établit aucune circonstance singulière le distinguant de tout autre justiciable confronté à la même réalité. Ensuite, le professionnel plaide que son appel deviendra illusoire advenant le refus du sursis. Sur ce sujet, le Tribunal distingue la jurisprudence citée par le professionnel de sa situation personnelle puisque dans ces décisions, c’était la courte durée des radiations imposées qui rendait l’appel illusoire en cas d’échec du sursis. En l’occurrence, affirme le Tribunal, « il peut s’avérer opportun de traiter différemment le cas d’une radiation de deux mois et celui d’une radiation de trois ans […] »[7]. Pour cette raison, le Tribunal conclut à l’absence de préjudice irréparable et donc au refus de la requête en sursis.

Nous retenons principalement de cette décision un nouveau rappel à l’effet que la perte de revenus subie par un professionnel dans le cadre de son appel devant le Tribunal ne suffit pas à satisfaire le critère relatif à la présence de circonstances exceptionnelles tel que développé par la jurisprudence.

[1] Médecins (Ordre professionnel des) c. Cordoba, 2018 QCTP 90 (CanLII), Cordoba c. Médecins (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 91 (CanLII).

[2] Art. 166 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

[3] Le Tribunal réfère notamment à : Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., 1987 CanLII 79 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 110; Genest c. Médecins (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 91 (CanLII); Terjanian c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2013 QCTP 34 (CanLII) et 2014 QCTP 57 (CanLII); Michon c. Avocats (Ordre professionnel), 2013 QCTP 77 (CanLII); Sproule c. Avocats (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 46 (CanLII).

[4] Préc., note 1, para. 5.

[5] Physiothérapie (Ordre professionnel de la) c. Oliveira, 2018 QCTP 25 (CanLII).

[6] Travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (Ordre professionnel des) c. Bernier, 2018 QCTP 31 (CanLII).

[7] Préc., note 1, para. 36.