En décembre 2015, le Tribunal des professions s’est penché sur l’interrelation et les limites entre les pouvoirs administratifs d’un ordre professionnel, en vertu de l’article 55.1 du Code des professions[1], et le pouvoir disciplinaire prévu à son article 149.1.
Dans cette affaire[2], l’appelant, qui est avocat, a été accusé de voies de fait à l’endroit d’un enquêteur de la Sûreté du Québec, suite à une bousculade survenue dans le corridor d’un Palais de justice. Il sera déclaré coupable et absout inconditionnellement. Cette condamnation criminelle a entraîné deux procédures distinctes au sein du Barreau. D’abord, le syndic adjoint ayant avisé la Secrétaire de l’Ordre de la condamnation et du fait qu’il s’apprêtait à déposer une plainte au Conseil de discipline, le Comité exécutif du Barreau s’est saisi de l’affaire, conformément aux dispositions de l’art. 55.1 C.P. De manière concomitante, le Conseil de discipline du Barreau recevait la plainte du syndic et se saisissait aussi de l’affaire, conformément à l’article 149.1 C.P.
L’appelant a d’abord été radié provisoirement par le Comité exécutif. Puis, après audition de la plainte devant le Conseil de discipline, il s’est vu imposer une radiation temporaire de 3 mois. Ces deux décisions ont fait l’objet de procédures d’appel ; le présent jugement traite de la décision du Comité exécutif de radier provisoirement l’appelant. Après analyse, le Tribunal a accueilli l’appel, infirmé la décision du Comité exécutif et annulé la radiation provisoire imposée à l’appelant.
La question principale à laquelle devait répondre le Tribunal des professions dans cette affaire était de savoir si le Comité exécutif pouvait se saisir du dossier, sachant qu’une plainte disciplinaire avait déjà été portée devant le Conseil de discipline concernant cette même situation.
Après avoir fait une analyse détaillée de l’article 55.1 C.P., le Tribunal explique que la chronologie des procédures prévue au Code des professions implique un rôle complémentaire entre les processus administratif et disciplinaire. Le rôle du conseil d’administration en est un d’urgence préventive et il agit avec célérité, dans l’objectif de protéger le public. Une fois que le conseil de discipline est saisi d’une plainte toutefois, il devient difficile de justifier que le conseil d’administration intervienne ; il serait alors inéquitable pour le professionnel de se retrouver devant deux instances agissant en parallèle sur la même question.
Le Tribunal estime que bien que le législateur ne le stipule pas expressément, dès lors que le conseil de discipline est saisi d’une plainte en vertu de l’article 149.1 C.P., le conseil d’administration n’a plus le pouvoir d’agir. Le Tribunal rappelle qu’au besoin, le syndic peut lui-même présenter une requête en radiation provisoire prévue par l’article 130 par. 3 C.P.
En se saisissant de l’affaire alors que l’appelant faisait déjà l’objet d’une plainte disciplinaire, le Comité exécutif s’est substitué au Conseil de discipline et a outrepassé sa compétence juridictionnelle.
[1] Code des professions, RLRQ c. C-26.
[2] Belliard c. Avocats (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 110 (CanLII)