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Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après « Tribunal ») entend l’appel de Michel Sakellarides (ci-après « Appelant ») concernant les décisions sur culpabilité et sanction rendues par le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (ci-après « Conseil »).

Les faits sont les suivants. L’Appelant traite des personnes souffrant d’obésité en leur offrant une cure de réalimentation basée notamment sur l’utilisation de la vitamine B12. Pour bénéficier de ce traitement, le patient doit se rendre à la clinique chaque semaine pour y rencontrer une infirmière qui lui administre une dose de vitamine B12 par injection sous-cutanée. Le patient débourse un montant de 59 $ par séance hebdomadaire à Sodimec inc., compagnie qui appartient à l’Appelant. Sur son site web, il annonce que son traitement est conforme aux recommandations du U.S. National Institutes of Health et il garantit une perte de 14 à 18 livres de gras par mois.

La plainte comporte 39 chefs d’infraction reprochant à l’Appelant d’avoir fait en son nom ou permis que soit fait en son nom et/ou pour son bénéfice, des représentations trompeuses ou incomplètes sur son site web (chef 1), d’avoir permis que soit administrée intempestivement de la vitamine B12 (chefs 2 à 23) et de s’être placé en situation de conflit d’intérêts en chargeant 59 $ par séance hebdomadaire, montant qui était payé par le patient à la compagnie Sodimec inc., une compagnie appartenant à l’Appelant (chefs 24 à 37). Les chefs 38 et 39 concernant la tenue de dossiers sont exclus du présent pourvoi.

En première instance, le Conseil déclare l’Appelant coupable des 39 chefs d’infraction. Sur sanction, le Conseil lui impose une période de radiation temporaire de douze (12) mois sur chacun des chefs 1 à 23 et de huit (8) mois sur chacun des chefs 24 à 37, à être purgées concurremment, en plus d’amendes totalisant, pour les chefs 1 à 37, 102 000 $.

La décision sur culpabilité :

Pour les chefs 2 à 23, l’Appelant reproche au Conseil d’avoir violé son droit à une défense pleine et entière en écartant l’opinion de son témoin-expert. Le Tribunal rejette cet argument. En effet, face à un débat d’expert, le Conseil devait trancher et sa décision exprime clairement les motifs pour lesquels il a écarté l’opinion du témoin expert de l’Appelant. Le Tribunal rappelle qu’à la suite de l’administration de la preuve, le juge des faits peut décider d’accorder au témoignage de l’expert une faible valeur probante, voire ultimement lui dénier sa qualité d’expert et écarter son témoignage.

Ensuite, l’Appelant soutient que le Conseil aurait dû l’aviser des lacunes constatées dans les prétentions de son témoin expert afin de lui permettre de rectifier la situation avant de rendre une décision. Le Tribunal estime que l’Appelant confond les notions de lacune de la preuve (art. 268 du Code de procédure civile) et d’insuffisance de la preuve. La preuve qu’il a choisi de présenter n’est pas lacunaire. À l’analyse le Conseil la juge non probante. Le Conseil n’avait donc pas l’obligation de permettre à l’Appelant de remplacer sa preuve insuffisante par une deuxième preuve, qui une fois les faiblesses de la première identifiées par le Conseil, aurait pu s’avérer plus convaincante au final.

Dans un autre ordre d’idée, l’Appelant reproche au Conseil d’avoir prononcé une double culpabilité pour certains chefs (33, 34, 35 et 36 conjointement avec 15, 16, 18 et 20). Le Tribunal conclut que cet argument ne tient pas puisque l’Appelant confond l’identité des quatre (4) patients et les chefs de la plainte, qui visent deux infractions distinctes. Ce faisant, le Tribunal rappelle que chaque disposition de rattachement constitue un chef distinct.

Finalement, le Tribunal accueille partiellement l’appel sur culpabilité afin de modifier le dispositif de la décision pour tenir compte des règles de l’arrêt Kienapple[2] quant aux déclarations de culpabilité multiples.

 La décision sur sanction :

Subsidiairement, l’Appelant demande au Tribunal de substituer aux sanctions prononcées par le Conseil une période de radiation temporaire variant de 4 à 6 mois, la limitation permanente de son droit de pratique en nutrition et des amendes qui correspondent à celles déjà imposées en jurisprudence.

Le Tribunal rappelle d’abord qu’une sanction disciplinaire n’est pas inadéquate du simple fait qu’elle puisse être qualifiée de sévère, voire très sévère. Selon lui, il est manifeste que le Conseil a voulu rendre une décision sévère en rejetant du revers de la main la suggestion de l’Appelant pour qu’une limitation de pratique lui soit imposée quant au volet nutritionnel. De plus, le Conseil fait ressortir l’importance de la dimension économique liée au comportement répréhensible de l’Appelant et souligne que ce cas est sans précédent comparable.

Contrairement à ce que prétend l’Appelant, le Conseil a tenu compte des facteurs atténuants qu’il a présentés. Cependant, jurisprudence à l’appui, le Conseil a considéré neutre le poids de son argument voulant qu’il n’y ait aucune preuve que ses traitements auraient été néfastes pour ses patients. À ce sujet, le Tribunal rappelle que l’inexistence d’un facteur aggravant ne se transforme pas en facteur atténuant.

L’appel sur sanction est donc rejeté.

Nous retenons de cette décision qu’une sanction disciplinaire n’est pas inadéquate du simple fait qu’elle puisse être qualifié de sévère, voire très sévère et que l’inexistence d’un facteur aggravant ne se transforme pas en facteur atténuant.

[1] Sakellarides c Médecins (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 88.

[2] Kienapple c. R., [1975] 1 RCS 729.