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Le 8 novembre 2016, dans l’affaire Moreau c. Ingénieurs (Ordre professionnel des)[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») infirmait en partie la décision du Conseil de discipline de l’Ordre des ingénieurs du Québec (ci-après le « Conseil ») en ce qui concerne la condamnation de M. Bernard Moreau, appelant, au paiement de 33 % des déboursés engendrés dans le cadre du dossier de première instance.

Les faits de la présente affaire sont les suivants. M. Moreau a agi à titre de directeur de projet dans le cadre d’importants travaux concernant l’eau potable, les égouts et l’assainissement des eaux dans une municipalité québécoise. Dans le cadre de l’exécution de ce mandat, l’une des adjointes de l’appelant, laquelle est également ingénieure, a modifié des bordereaux de soumission dans le but de contourner une procédure relative aux directives de changement prévues aux contrats et devis. En augmentant ainsi les factures, des montants supplémentaires furent placés dans une réserve pour payer des extras non prévus au contrat. M. Moreau ne participa pas directement à ce subterfuge, mais plaida tout de même coupable aux trois (3) chefs d’accusation déposés contre lui, tous liés directement ou indirectement au fait de ne pas être intervenu afin de faire cesser le stratagème instauré par ses collègues. Le Conseil imposa à l’appelant une radiation de neuf (9) mois sur chacun des trois (3) chefs à être purgée concurremment et condamna ce dernier au paiement de 33 % des déboursés engendrés en première instance (près de 200 000$). À cet effet, il importe de préciser que les expertises du plaignant avaient été utilisées dans le cadre du dossier de M. Moreau en plus des dossiers des deux (2) autres intimés ayant participé au stratagème. De l’avis du Conseil, donc, les trois (3) intimés avaient un degré de responsabilité identique et devaient, pour cette raison, supporter chacun le tiers des frais desdites expertises, dont le plafond fut fixé à 100 000$.

Portant en appel cette décision, M. Moreau prétendait que la période de radiation imposée était trop sévère et que la condamnation au paiement de 33 % des déboursés était inappropriée vu l’ampleur des montants en cause.

Acceptant partiellement les arguments de M. Moreau, le Tribunal conclut que le Conseil, en imposant à l’appelant une radiation de neuf (9) mois avait « cherché à porter le message que les pratiques de falsification des factures de travaux et matériaux doivent être clairement déclarées intolérables et prohibées sans réserve ». Il s’agit ici de l’atteinte de l’objectif d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables. Concernant la condamnation à 33 % des déboursés, le Tribunal s’inspire de l’affaire Gagnon[2] et accepte la proposition commune des parties à l’effet de retourner le dossier en première instance pour que soit tenu un débat sur la nécessité de l’expertise, le quantum y afférent et, le cas échéant, le partage des coûts à être supportés par les intimés dans les trois (3) dossiers. Le Tribunal adhère de cette façon aux principes émis dans cette affaire à l’effet qu’un montant élevé de frais d’expertises justifie la tenue, en première instance, d’un débat sur leur sort.

Nous retenons de cette décision le rappel du principe voulant que lorsque les déboursés d’un dossier sont élevés, les Conseils de discipline doivent entendre les parties pour discuter de la nécessité d’une expertise, notamment dans les cas où l’intimé plaide coupable dès le début du processus disciplinaire, ainsi que du montant des frais d’expert devant être supportés par le professionnel intimé, le cas échéant. En effet, tel que ce fut mentionné dans l’affaire Gagnon[3] et réitéré en l’instance, ne pas tenir une telle consultation est une lacune qui vicie l’équité procédurale à laquelle ont droit les professionnels intimés dans le cadre de procédures disciplinaires.

[1] 2016 QCTP 146.

[2] Gagnon c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 97.

[3] i.d.