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Dans l'affaire Moïse c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des)[1], le Tribunal des professions  (ci-après le « Tribunal ») est saisi d'un appel sur culpabilité et sanction d'une décision du Conseil de discipline de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (ci-après le « Conseil ») en matière de gestes abusifs à caractère sexuel à l'endroit d'une patiente.

L'appelant, tout comme la patiente, est membre des forces armées canadiennes. Lors d'une séance de vaccination, l'appelant administre deux (2) vaccins à la patiente et vérifie ensuite son pouls qui était bas. Il lui demande par la suite d'enlever son gilet et vérifie le pouls de celle-ci sous ses seins. Les versions des faits divergent par la suite. La patiente affirme que l'appelant a posé ses mains et sa bouche au niveau de ses seins alors que ce dernier affirme que s'il a touché les seins de la patiente, ce n’est que par accident. Le Conseil retient la version des faits de la patiente, déclare l'infirmier coupable d'avoir posé des gestes abusifs à caractère sexuel et impose à ce dernier une radiation temporaire de quatre (4) mois ainsi qu’une amende de 1 000$.

Devant le Tribunal, l'appelant prétend que le Conseil a commis des erreurs dans l'application du fardeau de la preuve approprié et dans son appréciation de la preuve. En se fondant sur les affaires Lisanu[2] et Osman[3], il prétend que la preuve apportée par le Conseil n'est pas « de la plus haute qualité, claire et convaincante », notamment parce que la version des faits présentée par la patiente comporterait plusieurs contradictions.

À ce sujet, le Tribunal conclut que même si le témoin principal présente certaines déficiences dans ses souvenirs, ce ne sont pas les « détails périphériques d’un témoignage, mais plutôt son essence même qui doit être scrutée »[4]. Selon lui, la preuve apportée par le syndic adjoint satisfait au fardeau de la prépondérance puisque les faiblesses identifiées dans le témoignage de la patiente n'ont pas un caractère déterminant. En ce qui concerne les prétentions de l’appelant relativement à l’appréciation de la preuve faite par le Conseil, le Tribunal les rejette en rappelant la grande déférence qui s'impose face au décideur de première instance. Il appartient donc au Conseil, selon lui, de décider de retenir une version des faits malgré la présence de lacunes non déterminantes.

Finalement, l'appelant reproche au Conseil de lui avoir imposé une sanction trop sévère et donc déraisonnable. Rappelant encore une fois la déférence qui s'impose face aux tribunaux de première instance composés de pairs, le Tribunal rappelle qu’une peine devient déraisonnable non pas du simple fait qu'elle est sévère, mais bien lorsqu'elle est si sévère ou clémente qu'elle est injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l'infraction et à l'ensemble de circonstances. En l'espèce, le Conseil a tenu compte de divers facteurs atténuants (acte isolé, conduite exemplaire depuis, regrets sincères) et aggravants (gravité objective du geste reproché et position d'autorité). Selon le Tribunal, la sanction du Conseil est sévère, mais non déraisonnable.

En conclusion, nous retenons de cette affaire que l’appréciation d’un témoignage doit être faite par l’analyse de son essence et non des détails périphériques qui l’entourent. De plus, tel que nous l'avons déjà relevé auparavant[5], il existe présentement un courant jurisprudentiel qui tend à sanctionner sévèrement les professionnels du domaine de la santé pour des infractions à caractère sexuel commises à l’endroit des clients ou des patients. La présente décision semble s'inscrire dans ce courant.

[1]     Moïse c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 93.

[2]     Leveillé c. Lisanu, 1998 QCTP 1719.

[3]     Osman c. Médecins (Corporation professionnelle des), 1994 D.D.C.P. 257.

[4]     Moïse c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), préc., note 1, par. 18.

[5]     À ce sujet, consulter notre publication sur le lien suivant: <http://battah.ca/sanction-severe-pour-les-infractions-a-caractere-sexuel/>.