Dans la présente affaire[1], M. François Laplante (ci-après le « professionnel ») demande au Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») que soit suspendue l’exécution des deux ordonnances de radiation immédiate et provisoire prononcées le 24 novembre 2016 par le Conseil de discipline de l’Ordre des audioprothésistes du Québec (ci-après le « Conseil ») en attendant le sort des appels déposés.
Les faits menant à cette affaire sont les suivants. Le 15 juin 2015, M. André Bard (ci-après le « syndic adjoint ») dépose une première plainte comprenant 327 chefs visant principalement des infractions d’omission de consigner certains renseignements au dossier des patients et d’avoir facturé à la Commission de santé et de sécurité du travail (C.S.S.T.) des services non rendus. Le 2 juillet 2015, le professionnel s’engage à respecter certaines conditions.
Le 27 août 2015, le syndic adjoint dépose une deuxième plainte disciplinaire comportant 17 chefs, incluant 8 chefs qui se rapportent à des omissions de respecter ledit engagement. Cette plainte est accompagnée d’une requête en radiation provisoire.
Le 10 octobre 2015, le syndic adjoint dépose une troisième plainte comportant 154 chefs ainsi qu’une requête pour radiation provisoire immédiate. Cette plainte reproche au professionnel d’avoir facturé des services professionnels sans les avoir dispensés et d’avoir faussement indiqué dans ses dossiers que les services avaient été rendus.
Le 13 novembre 2015, cette deuxième requête en radiation provisoire est jointe à celle reliée à la deuxième plainte. Après sept journées d’audition, le Conseil accueille les deux requêtes pour radiation immédiate et provisoire. Ces décisions font l’objet d’un appel par le professionnel qui requiert également la suspension de l’ordonnance de radiation provisoire.
D’entrée de jeu, le Tribunal rappelle qu’à ce stade des procédures, le professionnel doit démontrer que sa requête est fondée au regard de cinq critères soit (1) L’économie de la loi; (2) La faiblesse apparente de la décision contestée; (3) L’existence de circonstances exceptionnelles justifiant la demande de sursis; (4) L’existence d’un préjudice sérieux et irréparable si le sursis n’est pas accordé; (5) La balance des inconvénients.
Concernant le premier critère, le professionnel reconnait que la jurisprudence ne milite pas en faveur du sursis, et ce, vu la jurisprudence constante qui reconnait que la protection du public l’emporte sur l’intérêt du professionnel.
Concernant le deuxième critère, le Tribunal rappelle que la faiblesse apparente s’entend de la fragilité, décelable à la face même (prima facie) de la décision, des déterminations de droit et de fait tirées par le Conseil. Le rôle du Tribunal, à ce stade préliminaire, se limite à une analyse sommaire de la décision contestée afin de déterminer s’il y a une faiblesse apparente. À première vue, le Conseil a exercé sa discrétion sans qu’une faiblesse évidente ne saute aux yeux du Tribunal. En effet, dans sa décision, le Conseil fait un survol de chacun des chefs, résume la preuve présentée par le syndic adjoint et par le professionnel, identifie les questions en litiges, conclut à l’existence de reproches graves et sérieux portant atteinte à la raison d’être de la profession, discute de l’existence d’une preuve prima facie de la commission des infractions reprochées et statue qu’à première vue, la protection du public risque d’être compromise si le professionnel continue d’exercer.
Concernant le troisième critère, le professionnel soulève deux arguments soit son droit d’être jugé dans un délai raisonnable et la violation de son droit d’être jugé par un tribunal impartial et indépendant. Le Tribunal rejette le premier argument, car le délai est justifié par les circonstances. Il rejette également le deuxième argument, car il n’est pas supporté par la preuve.
Concernant le quatrième critère, le professionnel allègue que le maintien de la radiation provisoire lui cause un préjudice irréparable, car il subit des pertes financières et de clientèle. Le Tribunal conclut que cette situation n’est pas différente que celle de n’importe quel autre professionnel qui fait face à une radiation provisoire.
Enfin, le Tribunal conclut que la balance des inconvénients penche en faveur de la protection du public.
Nous retenons de cette décision que c’est au professionnel qui demande le sursis de l’exécution d’une ordonnance de radiation provisoire de démontrer que sa requête est bien fondée au regard des cinq critères. Le Tribunal rappelle que dans l’analyse de la faiblesse apparente de la décision, il ne peut usurper le rôle d’une formation de trois juges qui verra à trancher le fond de l’appel en temps utile.
[1] Laplante c. Audioprothésistes (Ordre professionnel des), 2017 QCTP 10.