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Le 20 juin 2016, le Tribunal des professions a rendu une décision[1] intéressante portant sur sa compétence en appel.

Les faits donnant naissance au litige se résument comme suit. L'appelant, Monsieur Kamran Kafi Tehrani, s'est fait octroyer un certificat d'immatriculation à titre d'étudiant en médecine en 2009. En janvier 2016, le Collège des médecins du Québec (CMQ) reçoit un signalement selon lequel l'appelant avait été reconnu coupable d'infractions criminelles aux États-Unis en juillet 2006, information qu'il avait omis de déclarer lors de sa demande de certificat. Lors de l'audition devant le Comité exécutif du CMQ (ci-après « intimé »), l'appelant n'a pas démontré qu'il a obtenu le pardon ou l'annulation du jugement le déclarant coupable d'infractions criminelles. En se basant sur les articles 3(8) et 5 du Règlement sur les causes, conditions et formalités de délivrance et de révocation de l'immatriculation en médecine[2] (ci-après « Règlement »), le 6 avril 2016 le Comité révoque le certificat d'immatriculation de Monsieur Tehrani.

Monsieur Tehrani intente un pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure et, parallèlement, une demande d'appel de benne esse fondée sur les articles 182.1 et suivants du Code de professions[3] (ci-après C. Prof) est présentée devant le Tribunal des professions.

Devant le Tribunal, l'intimée soulève deux moyens préliminaires : (1) la décision du 6 avril 2016 n'est pas susceptible d'appel compte tenu de la non-application des articles 45 et 182.1 et suivants C. Prof; et (2) en présentant un pourvoi en contrôle devant la Cour supérieure, l'appelant a accepté la juridiction de cette cour et ainsi le Tribunal des professions n'a pas compétence à entendre une cause impliquant les mêmes parties, visant le même enjeu et comportant les mêmes conclusions. C'est dans ce contexte que le Tribunal des professions est amené à se prononcer sur sa compétence d'appel.

L'appelant soutient quant à lui que même si la décision du Comité exécutif du CMQ réfère au Règlement, c'est sur l'article 45(2) du C. Prof qu'elle trouve son véritable fondement, notamment au regard d'une formulation très semblable. L'appelant invoque également certains principes d'interprétation des lois.

Pour rendre sa décision, le tribunal n'abordera que le premier moyen préliminaire et seuls les fondements du droit d'appel et l'intention du législateur sont analysés.

En premier lieu, le Tribunal des professions rappelle qu'étant un tribunal statutaire, il exerce par définition les seuls pouvoirs qui lui sont conférés par le législateur. La compétence d'appel du Tribunal des professions est fondée sur les articles 164 et 182.1 du C. Prof.

En citant le professeur Garant[4], le Tribunal rappelle que le droit d'appel est un droit d'exception, qui doit être accordé de manière claire et explicite. En l'espèce, la décision du Conseil a été prise en vertu du Règlement qui a été adopté en vertu de la Loi médicale[5], loi qui ne prévoit pas de droit d'appel devant le Tribunal des professions.

De plus, en analysant l'article 182.1 du C. Prof, le Tribunal conclut que la volonté du législateur est d'accorder un droit d'appel à une personne à qui l'accès à la profession ou la reprise de celle-ci est refusé. En l'instance, il n'est pas question d'une demande présentée dans le cadre de la candidature d'une personne à l'exercice de la profession de médecin. Il est question d'une décision qui révoque le certificat d'immatriculation émis dans le cadre des études en médecine, décision qui se situe en amont des situations visées par l'article 45 du C. Prof et qui, dès lors, ne peut faire l'objet d'un appel en vertu de l'article 182.1 C. Prof. Ainsi, le Tribunal des professions décline compétence.

Nous retenons de cet arrêt le rappel important du caractère d'exception du droit d'appel. Ce droit doit être clairement stipulé. L'article 182.1 du Code des professions doit être interprété comme n'accordant un droit d'appel devant le Tribunal des professions seulement dans les cas spécifiques d'accès à la profession ou de la reprise de celle-ci, et non pour les autres processus et décisions qui se situent en amont de ceux-ci.  

[1]   Kafi Tehrani c. Médecins (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 107 (CanLII).

[2]   RLRQ, c. M-9, r 16.

[3]   RLRQ, c. C-26.

[4]   Patrice GARANT, avec la collab. de Philippe Garant et Jérôme Garant. Droit administratif, 6e éd., Cowansville, Édition Yvon Blais, 2010.

[5]   RLRQ, c. M-9