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Le 23 février 2016, dans l’affaire Comptables professionnels agréés (Ordres des) c. Hamel[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal »), infirmait la décision du Conseil de discipline des comptables professionnels agrées du Québec (ci-après le « Conseil ») à l’effet d’acquitter l’intimé, M. Daniel Hamel, d’avoir commis un acte dérogatoire à l’honneur et la dignité de sa profession.

Les faits menant au dépôt de la plainte du syndic adjoint concernent l’exercice, par l’intimé, d’un commerce illégal de production de cannabis en lien avec lequel ce dernier avait plaidé coupable devant une instance de juridiction criminelle. De l’avis du syndic adjoint de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, le fait d’avoir exercé un tel commerce équivaut à la commission d’un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession, le tout contrairement à l’article 59.2 du Code des professions.

En première instance, le Conseil acquitta l’intimé en émettant l’opinion que le syndic adjoint, en se contentant de déposer le plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé dans le cadre de son dossier criminel, n’avait pas fait la preuve par prépondérance que celui-ci avait exercé ladite activité illégale. Portant cette décision en appel, le syndic adjoint prétendait que le Conseil n’avait pas considéré adéquatement les effets juridiques liés à un plaidoyer de culpabilité en ce que pour s’en écarter, le Conseil aurait dû être en la présence d’une raison valable, ce qu’il n’avait pas. Dans le même ordre d’idées, le syndic adjoint plaidait que le Conseil aurait dû déterminer dans son jugement si la production de cannabis était un acte dérogatoire à l’honneur et la dignité de la profession.

Acceptant les arguments du syndic adjoint, le Tribunal rappelait qu’un plaidoyer de culpabilité constitue un aveu extrajudiciaire fait devant une autre instance dont la force probante est laissée à l’appréciation du tribunal (article 2852, al. 2 du Code civil du Québec[2]). Cet aveu extrajudiciaire jouit d’une présomption de vérité et ne peut être écarté tant que la personne qui y est liée n’a pas démontré, à l’aide d’une preuve contraire, qu’elle ne devrait pas être liée par cet aveu. En l’espèce, le Tribunal conclut que l’aveu extrajudiciaire de l’intimé n’a pas été contredit par une preuve contraire et qu’il s’agit là d’une erreur de droit qui justifie son intervention. De plus, rappelle le Tribunal, les professionnels sont assujettis à certaines obligations en dehors de leurs activités professionnelles. En effet, la confiance du public risque d’être entachée même par des actes de la vie privée lorsque ces actes peuvent faire douter de la moralité du professionnel. Pour cette raison, affirme le Tribunal, le Conseil a également erré en omettant de considérer la preuve à l’effet que les gestes qui ont été commis par l’intimé font partie de cette catégorie.

Nous retenons de cette affaire deux (2) rappels de principes intéressants, le premier étant à l’effet que la preuve par aveu extrajudiciaire ne peut être écartée sans raison valable, et le deuxième étant relatif au fait que même les gestes commis en dehors de l’exercice de la profession sont susceptibles de constituer une faute déontologique pouvant être sanctionnée par un Conseil de discipline.

[1] Comptables professionnels agréés (Ordres des) c. Hamel, 2016 QCTP 10

[2] R.L.R.Q., c. CCQ-1991.