Le 27 octobre 2016, dans l’affaire Gruszczynski[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») infirmait la décision du Conseil de discipline du Barreau du Québec (ci-après le « Conseil ») et acquittait l’appelant de tous les chefs d’infraction pour lesquels il avait été déclaré coupable en première instance.
Les faits de cette affaire sont les suivants. Mme M.B.K., cliente de Me Gruszczynski, s’était vue refuser le statut de réfugié par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. S’enquérant des possibilités d’appel auprès de son avocat, Mme M.B.K. fut informée par ce dernier que seule une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, dont la présentation est subordonnée à une demande d’autorisation préalable, est possible dans les circonstances. Également informée par son avocat des faibles chances de succès d’une telle demande, Mme M.B.K mandate tout de même ce dernier afin qu’il dépose une demande d’autorisation devant la Cour fédérale. Elle acquittera, en lien avec cette demande, des honoraires de 2 000$ et verra sa demande d’autorisation être rejetée le 18 mai 2004. Reprochant à Me Gruszczynski d’avoir été de l’avant avec cette demande, le syndic adjoint du Barreau du Québec déposa contre lui quatre (4) chefs d’infraction, soit d’avoir manqué à ses devoirs de conseil (1) et de compétence (2) envers sa cliente, d’avoir entrepris, rédigé, maintenu et/ou poursuivi des procédures de contrôle judiciaire inutiles, mal fondées et/ou vouées à l’échec (3) et d’avoir demandé et/ou accepté des honoraires injustes et déraisonnables à sa cliente (4).
En première instance, le Conseil déclara Me Gruszczynski coupable sur les chefs 2, 3 et 4. Il basa sa décision sur le rapport d’expertise de Me Beauchemin, lequel concluait que la forme et le fond de l’acte de procédure de Me Gruszczynski ne respectaient pas les normes en vigueur. Le Conseil lui imposa donc une radiation de soixante (60) jours sur chacun des trois (3) chefs d’infraction à être purgée concurremment. Portant cette décision en appel, Me Gruszczynski plaidait que le Conseil avait commis une erreur de droit en omettant d’indiquer en quoi le manquement qui lui était reproché en lien avec sa compétence avait atteint un degré de gravité suffisant pour entacher sa moralité ou sa probité professionnelle et ainsi, constituer une faute déontologique.
Accueillant l’appel, le Tribunal débute son analyse par le rappel de certains principes entourant la faute déontologique. En premier lieu, affirme le Tribunal, la faute déontologique doit être distinguée de la faute technique, et ce, même si cette dernière est susceptible d’engendrer la responsabilité civile de celui qui la commet. La faute déontologique doit également être grave au point d’entacher la moralité ou la probité professionnelle de celui qui la commet. En matière de manquement au devoir de compétence, donc, le Conseil de discipline doit se prononcer sur le degré de gravité du geste reproché[2]. Or, de l’avis du Tribunal, le Conseil a omis, dans sa décision, d’indiquer en quoi le comportement de l’appelant entachait sa moralité ou sa probité professionnelle. De plus, il a erré en s’en remettant au rapport de l’expert pour conclure que l’intimé avait manqué à son devoir de compétence. En effet, son analyse ne portait que sur les insuffisances techniques de la demande d’autorisation quant à la forme et au fond sans identifier de normes précises auxquelles l’acte devait répondre. L’expert ne pouvait donc pas conclure à un manquement aux normes, mais uniquement à des fautes techniques ou maladresses.
Nous retenons de cette affaire qu’en présence d’une plainte disciplinaire liée au devoir de compétence d’un professionnel, les Conseils de discipline doivent se prononcer sur la gravité du geste commis pour conclure qu’il y a une faute déontologique. Pour ce faire, ils doivent motiver leur décision en expliquant en quoi le comportement reproché au professionnel entache sa moralité ou sa probité professionnelle. Nous retenons également le rappel du principe voulant qu’en matière de compétence, les Conseils de discipline doivent sanctionner ce qui est inacceptable, et non seulement ce qui est non souhaitable[3].
[1] Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 143.
[2] Ingénieurs (Ordre professionnel) c. Bilodeau, 2005 QCTP 34.
[3] Architectes (Ordre professionnel des) c. Duval, 2003 QCTP 144